Eythan | Les miroirs...

PSY – « Bonjour. Asseyez-vous, je vous en prie. »
EYTHAN – « Je suis déjà assis. »
PSY – « J’avais vu, oui. Votre père ne vous a-t-il pas appris à attendre l’autorisation ? »
EYTHAN – « Je ne savais pas que nous allions parler de mon père, je l’aurais amené, sinon. »
PSY – « Très amusant, vraiment. Alors, Eythan. Racontez-moi… »
EYTHAN – « Je n’ai rien à raconter. »
PSY – « Impossible. Racontez moi votre enfance, et comment votre vie s’est bouleversée »
EYTHAN – « Ma vie n’a jamais été bouleversée. Je suis aussi fou que vous êtes intelligent, et je n’ai pas plus ma place ici que vous. Cependant, si vous voulez une histoire dramatique, racontez-vous la vôtre, je suis sûr qu’elle vous enchantera. »
PSY – « Je vous sens tendu. »
EYTHAN - « Faux. C’est vous, qui êtes tendu. Moi, je suis parfaitement calme. »
PSY – « Pourquoi êtes-vous ici ? »
EYTHAN – « Parce que je m’ennuie. »
PSY – « Vous vous ennuyez ? »
EYTHAN – « Pourquoi est-ce que vous répétez ce que je viens de dire ? »
PSY – « Grandir sans mère, c’est difficile ? Est-ce que vous vous sentez responsable de sa mort ? »
EYTHAN – « Croyez moi, il n’y a rien de mieux pour un fils que de grandir avec son seul père. La mort de ma mère n’a rien de tragique, sa vie à servi à la mienne, je suppose. »
PSY– « Vous rendez-vous compte de ce que vous dîtes ?
EYTHAN – « Et vous ? »
PSY – « Je pose les questions. Je ne vois pas l’intérêt d’une telle entrevue, M. Wisper. »
EYTHAN – « Moi non plus. »
PSY – « Même s’il me parait évident que vous souffrez d’un problème. »
EYTHAN – « Lequel ? »
PSY – « A votre avis ? »
EYTHAN – « Vous êtes comme tous ces gens. Vous me trouvez profondément égoïste et manipulateur, très étrange, peut être même incapable de vivre en société. Vous vous demandez comment il est possible d’avoir eu un fils pareil, et comment il est désormais possible de le supporter. Vous voulez savoir si mon père souffre de ma bêtise et de mon arrogance, vous voulez savoir ce qui se passe chez les Wisper. Ce gamin a-t-il été battu, abusé, maltraité ? La réponse est non. Je ne souffre d’aucun trouble, je suis juste un réaliste. Je veux réussir, je veux être de ceux qui s’imposent et ne s’écrasent pas. Est-ce un concept mesurable par un psychologue ? »
PSY – « Êtes vous venus ici dans le seul but de me raconter ça ? »
EYTHAN – « Je suis venu ici parce que mon père me l’a demandé. »
PSY – « Il vous trouve étrange ? »
EYTHAN – « Non. Mes notes scolaires baissent. Vous ne connaissez pas les Wisper, vous devriez vous renseigner. »
PSY – « Votre père vous rejette ? Doute de vos capacités intellectuelles ? »
EYTHAN – « Mon père m’aime, m’estime et me respecte. Il voit en moi tout ce dont il est fier, mais aussi tout ce qu’il a toujours rêvé d’être. Je suis ambitieux, audacieux. Qu’est-ce que vous voulez qu’il me reproche ?
PSY – « Avez-vous vraiment envie de continuer cette entrevue, M. Wisper ? »
EYTHAN – « Je m’amuse bien ? »
PSY – « Je crois que nous n’avons plus rien à voir ensemble, dans ce cas. Au plaisir de vous revoir ? »
EYTHAN – « Non. Au déplaisir de vous avoir vu ».

*******


« C’est une plaisanterie, hein ? C’est ça ? Une de tes fameuses plaisanteries ? »
« Quoi ? Tu ne crois pas que je veux t’épouser ? »
« Eythan… » Emily. Elle s’appelait Emily, et elle tourna la tête, affichant un air triste qui avait presque réussi à le toucher. Presque.
« Tu aimes jouer avec les gens, hein ? Je ne suis pas un jouet, Eythan. »
« J’ai jamais dit ça. »
Il fit remonter ses doigts glacés doucement, le long de son ventre, et sourit, d’un air satisfait et rêveur. Elle était jeune, jolie. Elle avait les joues rougies par l’émotion. C’était le mieux que l’on pouvait attendre – le mieux que lui pouvait attendre, en tout cas.
« J’en ai marre de tes sautes d’humeur. » Eythan hocha la tête, très concerné par ce qu’elle était en train de dire. La pauvre… Il pencha un peu la tête en avant, et alla chuchoter, dans son oreille.
« Désolé… ». Il en voulait encore, elle ne pouvait pas partir maintenant. Elle ne pouvait pas partir tout court : il ne lui avait pas donné l’autorisation de le faire. Il soupira, et caressa un peu sa joue.
« Bien sûr. » Cette fois ci, il perdit patience. Il repoussa la lourde couverture d’un geste agacé, et se redressa violemment. S’il fallait vraiment qu’ils se séparent maintenant, alors, ce serait lui partirait, et non l’inverse. Hors de question qu’ils perdent.
« Bonne journée, dans ce cas. » La jeune femme secoua la tête, agacée elle aussi. Elle était intelligente, et un peu trop rebelle, peut être. Eythan devrait changer de style de fille s’il voulait continuer à gagner. Mais c’était un défi – et il adorait ça, les défis.
Il s’extirpa complètement du lit chaud, la laissant en plan, et attrapa son jean et sa chemise. Pas la peine de trainer, il n’avait plus rien à voir avec cette fille.
« Eythan ? » a voix était trainante, lancinante… Triste ? Il secoua la tête, agacé même par le mot. Les faibles étaient tristes, et les plus faibles encore s’apitoyaient sur les tristes. Trop de temps perdu avec, il fallait qu’il parte avant de n’étouffer. Il tourna néanmoins la tête vers la jeune femme, et haussa les sourcils, un air profondément dédaigneux sur le visage, agacé par le temps qui filait encore et toujours.
« Regarde moi dans les yeux, et jure moi que tu as déjà aimé quelqu’un… A part toi-même. »
Il la fixa un instant, se demandant si elle était devenue folle. Une vague plaisanterie, et elle lui parlait déjà d’amour ?
« Tu n’as rien à répondre. Poses-toi des questions, ou tu finiras seul. On ne peut pas haïr tout le monde, ou on finit par se haïr soi-même. »
« J’aime mon père. »
Il se retourna avec violence une fois de plus, et sortit de la pièce, claquant la porte derrière lui. Il haïssait les donneuses de leçons, et les phrases stupides et toutes faites. Il détestait se sentir inférieur aux autres. Cette… fille ne valait même pas un quart de son unique potentiel. Il n’aurait aucun mal à la rayer de sa vie, comme toutes les autres – et de toute façon, ce qu’elle disait n’avait pas d’importance, c’était stupide, dénué de sens.
La seule chose qui importait vraiment c’était lui, lui et lui. Et il ne finirait pas seul, il finirait reconnu et riche. Peu importe ce que cela voulait dire, la fille se trompait – comme tout le monde.