Tell Me What You Want [Andrea Phils]

Clémence avait un air dans la tête, ce qui eut pour effet de la faire battre du pied. C'était sans doute stupide, mais elle s'en foutait. Elle souriait toujours, alors que le rouge et or faisait sa popotte en coupant les asphodèles. La jeune femme n'avait pas vraiment envie de se prendre la tête, ce soir-là. Après tout, elle était arrivée là en premier, et il avait troublé son silence tranquille. Malgré tout elle ne lui en voulait pas, elle trouvait cette intrusion assez originale. Elle qui passait la plupart de ses soirées par monts et par vaux, cela lui faisait de bien d'avoir un moment de répis à Hogwarts. Même si ce n'était pas spécialement en compagnie de ce gars là qu'elle aurait voulu être. Cela l'occupait, et puisque la tempête battait son plein, ils n'auraient pas d'autre choix que de se montrer un minimum courtois l'un envers l'autre. Cette pensée la fit sourire de plus belle, éveillant en elle un instinct qui dictait sa conduite de chat sauvage depuis toujours. Elle avait l'âme d'un prédateur et elle adorait jouer avec la nourriture. Sauf qu'elle était bien trop occupée par ses pensées pour songer à quoi que ce soit qui dépassait toute bonne conduite.

La jeune Irlandaise s'étira et se leva en un mouvement à la fois sauvage et douceureux. Elle regarda autour d'elle, ses boucles blondes encadrant son visage aux traits délicats. Elle avait été élevée dans une riche famille, n'avait jamais manqué de rien, et malgré tout, son éducation avait été des plus serrée. Son père n'avait accepté aucun dérapage, la punissant dès lors qu'elle ne répondait pas à son devoir. Elle savait faire de jolis sourires aux autres riches, danser la valse, utiliser tous les couverts à table, se tenir droite et répondre par "oui monsieur le comte" lorsqu'il le fallait. Mais cette vie de château, aussi séduisante fut-elle, ne lui manquait pas. Elle avait passée trop de temps enfermée, c'était la raison pour laquelle, une fois arrivée à Hogwarts, Clémence s'était totalement lâchée. Elle ne regrettait rien, absolument rien. Sauf peut-être sa venue au monde.

- Franchement... tu t'es vue ? Tu risquerais de te casser un ongle si je restais pas là pour veiller sur toi. Et puis faut dire aussi que t'as de si beaux yeux, comment pourrais-je partir ?

Clémence sourit légèrement plus, se demandant s'il était décidé lui aussi à passer le temps. Parce que dans ce genre de jeux-là, elle avait toutes ses chances. En parlant d'ongles... Elle regarda ses mains de pianiste ; doigts fins, et ongles coupés courts, ronds. La jeune femme secoua la tête, amusée, se demandant quel ongle elle pourrait bien se casser, puisqu'elle n'en avait pas. Avec une moue qui feignait le caprice, elle regarda le jeune homme et lui répondit sur le même ton ;

- Oh, je vois. Je te trouverai presque séduisant, si tu ne portais pas cette affreuse cravate rouge.

L'Irlandaise lui fit un petit clin d'oeil, avant de commencer à déambuler dans le laboratoire, le jeune homme s'étant assis. Elle regardait partout, ses grands yeux gris brillants d'amour. D'amour, oui, vous avez bien lu. S'il y avait bien quelque chose qui faisait battre son coeur en ce bas monde, c'était les plantes. Elles lui procuraient une sorte de réconfort, et ce à chaque fois qu'elle leur rendait visite. Pas de doute, la serre était son palais. Clémence repprit sa vieille manie d'enrouler uen boucle autour de son index, continuant son observation. Elle avait beaucoup de classe même lorsqu'elle était vêtue de vêtements simples. Elle préférait de loin les grandes robes et les diadèmes, mais bon. Elle se contentait bien de sa chemise blanche et de sa jupe verte plissée. La demoiselle desserra un peu sa cravate, ce qui lui donna un air un peu plus je-m'en-foutiste. Elle aimait bien, en fait.

- Lumos. Au fait, moi c'est Andrea.

La jeune femme tourna la tête vers ledit Andrea et sourit franchement.

- Et moi c'est Clémence. Tout le plaisir est pour moi.

Elle avait sans doute raison : vu la réaction d'Andrea lorsqu'il l'avait vue assise sur le muret, elle ne pouvait pas penser à autre chose qu'au fait qu'il la détestait intérieurement. Il n'avait sans doute pas de raison valable, la réputation de Clémence lui suffisant. Elle haussa les épaules pour elle-même. Elle s'en foutait, il pouvait penser ce qu'il voulait d'elle, cela ne changerait pas sa vie de si tôt. Voilà bien longtemps qu'elle avait cessé de vivre en fonction de ce que les gens pensaient d'elle ; elle serait déjà morte, autrement.

- Tu comptes en faire quoi, de tes asphodèles ?

L'Irlandaise se mordilla la lèvre, se rendant compte qu'elle avait posé la question qui ne ferait qu'affirmer sa curiosité. Il n'était pas obligé de répondre, bien sûr. Mais au fond, elle s'était dit que cela pourrait presque faire un début de conversation.

Clémence scrutait les alentours, écoutant le bruit de la pluie qui s'abattait sur le toit de la serre. Ce so, la réconfortait, la comblait presque ; elle se sentait à l'abri, protégée, malgré le fait que dehors, des gens devaient être trempés. Elle secoua la tête, se demandant ce qui lui prennait de soudain penser aux autres. Elle savait pourtant faire preuve de beaucoup d'égoïsme, lorsqu'elle le voulait. Ou plutôt, le devait : son image de fille irrascible l'y obligeait. Elle soupira tout bas, souriant intérieurement. Bizzarrement, la compagnie de ce Gryffondor ne l'inccomodait pas plus que cela, au contraire. Elle le trouvait même assez sympathique, avec sa mine grincheuse et ses remarques. Effectivement, elle avait des goûts plutôt spéciaux ; les gens qui lui tenaient tête faisaient son bonheur, elle en avait assez de devoir sans cesse avoir le dessus.

- Ah oui, j’oubliais, c’est vrai que vous aimez pas trop le rouge, vous, les Slytherin… Enfin bon, c’est mieux comme ça ? En tout cas moi je suis fan de ta jupe ! Pas de prise de tête, et ça s’enlève en deux secondes…

Clémence fit mine de réfléchir, de plus en plus charmée. Elle se mordilla ostensiblement la lèvre, alors qu'il retirait sa cravate. Oh-oh, faisait-il cela pour plaire à madame, ou simplement parce qu'il allait mourir étouffé ? Elle se garda bien de le lui demander, préférant lui répondre d'un ton mutin :

- J'adore le rouge, détrompes-toi. Les roses rouges sont magnifiques, par exemple. Et je vais t'avouer quelque chose : je porte très souvent du rouge en cachette, parce que si les autres Slytherin le voyaient, ils feraient un arrêt cardiaque.

La jeune fille souriait largement, à présent. Elle se passa une main dans les cheveux, puis alla se caller contre la porte du laboratoire.

- Ma jupe ? oh, si tu veux, je te l'offre, hein. Ce n'est pas ça qui me manque. Quant au fait qu'elle s'enlève en deux secondes... C'est fort probable, oui.

Clémense souriait toujours, un peu plus perverse sur ce coup-là. Elle adorait faire des sous-entendus, aussi ne s'en privait-elle pas. Elle croisa les bras et se calla plus confortablement, détaillant discrètement son compagnon du regard. Il avait l'air un peu hésitant, à vrai dire. Mais sur quel point ? Sa conduite face à elle ? Si ce n'était que ça, elle ne pouvait pas lui en vouloir. Elle-même avait gardé une part de méfiance qui s'était ensuite volatilisée. Elle n'avait absolument pas peur de lui et elle savait se défendre en cas d'ennui, alors elle ne voyait pas le problème sous le même angle. Quoi qu'il en soit, il n'avait pas encore répondu à sa question concernant les asphodèles. Elle avait été bien trop curieuse et elle s'en rendait compte. Elle baissa les yeux au moment où il lui répondait, apparamment très gêné.

- J’aimerais te le dire, jt’assure, mais je devrais te tuer ensuite…

L'Irlandaise releva le nez et sourit, mais en voyant qu'il rassemblait ses affaires, s'apprêtant à partir, elle commença sérieusement à se maudir. Pour une fois qu'elle était d'humeur sympa et qu'elle réussissait à parler tranquillement avec un rouge, il s'enfuyait... Elle haussa les épaules. De toute façon, elle ne pouvait pas l'empêcher de partir, hein. Il prétexta un entraînement, et elle ne répondit rien. Après tout, c'était ses affaires. Lorsque Andrea s'approcha de la porte, Clémence se rendit compte qu'elle y était adossée. C'était sans doute pour cette raison qu'il lui demanda de se pousser. Elle hocha la tête, un sourire désolé aux lèvres, et se décalla d'un cran, lui laissant un accès à la porte.

- Tu vas être trempé... Ca serait dommage d'attrapper un truc, surtout pendant les vacances, tu crois pas ? Tu sais, t'es pas forcé de partir comme ça. Je ne dirai rien, et peu importe ce que tu comptes rfaire avec les asphodèles, ça m'est égal. C'était pour engager la conversation. Désolée de mon manque de tact.

Pour une fois dans sa vie, Clémence semblait vraiment désolée. Elle soutenait néanmoins le regard du jeune homme, lui laissant le choix de rester ou bien d'aller courir sous la pluie à son entraînement fictif. Elle n'était pas stupide, juste peut-être trop franche. La routine, en somme. Mais, chose plus étrange encore que sa désolation, elle n'avait pas envie qu'il parte. Ils se connaissaient à peine et pourtant, elle aurait aimé en savoir un peu plus sur lui. Sauf que, contrairement à d'habitude, elle n'allait pas lui forcer la main.

Mademoiselle Murray se mordillait toujours la lèvre, hésitante. Elle s'en voulait d'avoir posé cette question, qui, apparamment, n'avait fait que mettre son compagnon en rogne. Eh bien, s'il lui cachait quelque chose, elle s'en moquait. Elle n'avait pas envie d'être mauvaise, ce soir-là, et elle ne voulait pas se mettre d'autres gens à dos, il y en avait assez comme ça. La jeune femme releva le nez, alors qu'Andrea éteignait sa baguette. L'espace d'un instant, elle crut qu'il allait rester, mais il finit par passer devant elle sans un regard, avant de sortir de la serre. Clémence soupira ; decidemment, elle n'était pas douée pour les relations sociales. Elle haussa les épaules, se disant que c'était sans doute mieux ainsi : ils n'auraient pas pu s'entendre, elle l'avait bien vu. Il y avait dans le regard du jeune homme une sorte de lueur catégorique, qui ne faisait que témoigner de sa méfiance éternelle envers les Serpentards. Il n'avait pas tort. Elle-même conservait certains préjugés sur les autres Maisons - c'était probablement le but, d'ailleurs. Mais tout ceci la mit plutôt mal à l'aise : elle s'aimait bien, avec sa jupe verte. Elle aimait sa Maison. Elle aimait la compétition. Mais elle aurait voulu que, le temps d'une journée, Hogwarts oublie tous les a priori pour réunir l'ensemble des élèves, sans aucun combat, sans aucune haine. L'espoir la tenait, et elle se sentit ridicule.

Clémence alla se réinstaller sur son muret et repprit sa pose initiale. Tout compte fait, elle était mieux seule : au moins, elle ne risquait pas de faire fuir les autres. Un sourire amer joua sur ses lèvres, alors qu'elle se callait confortablement contre le mur. Elle n'aurait su dire si la vie était injuste, ou si c'était uniquement la sienne qui l'était. Encore une question sans réponse, cela devenait presque lassant. Elle s'étira, plongeant dans ses pensées. Elle n'arrivait pas à faire sortir de son esprit le regard d'Andrea - si distant, si dur. Envers elle, ou en envers tous les verts ? Pourtant, elle n'avait rien fait de mal, ce soir-là. Elle avait juste voulu être une fille ordinaire, souriante, aimable. A croire que le monde refusait qu'elle se comporte normalement.

- J'ai envie d'aller me dégourdir les jambes, en fin de compte. Tu viens ?

La demoiselle sursauta, ne s'étant pas rendu compte qu'il était revenu. Elle leva vivement la tête et le scruta un moment, légèrement inquiète. Et si c'était un piège, hein ? Elle secoua la tête pour chasser cette pensée. Elle ne voyait pas pourquoi il lui voudrait du mal, à moins qu'il soit plus tordu qu'elle. Elle finit néanmoins par hocher lentement la tête, avant de se lever gracieusement. Clémence venait de se rendre compte qu'elle était venue sans veste, simplement en chemisier et en jupe. Elle affronterait dignement le froid, il ne lui faisait pas peur. Elle regarda Andrea et sourit, se sentant d'un coup bien plus détendue.

- J'arrive. Oh, il ne pleut plus ! Dommage, j'aime bien le bruit de la pluie. Il m'endort.

L'Irlandaise sourit un peu plus, avant de passer devant lui, le précédant. Elle avançait joyeusement, ses boucles blondes rebondissant dans son dos, semant derrière elle une vague de parfum aux senteurs boisées. Clémence arriva devant la porte principale de la serre et l'ouvrit, laissant son compagnon passer. Elle savait être polie, n'oublions pas qu'elle avait été élevée en grande dame. La Serpy fit quelque pas à l'extérieur, frissonnant à peine. Il faisait déjà nuit, la Lune éclairant son visage d'une faible lueur argentée. Elle venait de prendre conscience qu'elle n'avait pas cessé de sourire, peut-être parce qu'elle était heureuse qu'il ne soit pas parti tout à fait.

- Alors ? Où veux-tu qu'on aille ?

Clémence fit volte face et observa Andrea, l'interrogeant du regard. Elle trouva dans ses yeux une multitude de paillettes dorées, et cela la charma. Etait-ce la nuit qui faisait cela, ou n'avait-elle jamais prêté attention à ses yeux lorsqu'ils étaient encore dans la serre ? Elle haussa les épaules - c'était sans importance. Même si c'était le genre de détails qu'elle se plaisait à découvrir chez les autres.