Don't breake my wings | Eris Woodman

Elle avait l'art de jouer avec le destin. D'en faire ce qu'elle voulait, de le modeler à sa façon. Dans son monde à elle, elle contrôlait la cadence. Elle s'y abandonnait souvent. Comme à ce moment, où elle était allongée sur l'herbe douce, dans le parc de Poudlard. C'était un samedi après-midi ensoleillé. Eris était seule, à contempler le ciel bleu et les petits nuages cotonneux qui le parsemaient. En regardant son visage, on ne savait pas trop si elle rêvassait en regardant le ciel ou si elle était complètement ailleurs, dans un monde façonné par les méandres de son esprit tortueux. C'était un des caractéristiques des filles de sa famille. Hors du temps, décalée de la réalité. Eris savait que les gens s'interrogeaient sur elle, sur ses sœurs. Personne ne savait quoi penser de cette fratrie de quatre filles étranges. En réalité, elles étaient cinq, comme les doigts de la main. Mais Lali, la petite dernière, était une cracmole et n'allait pas à Poudlard, comme ses sœurs. Peu de mon connaissait son existence, si peu de monde il y avait. Mais Lali était très présente dans les pensées de ses aînées. Tout d'abord venait Alice et Lux, les jumelles de septième année qui paraissaient ne faire qu'un. Puis Eris, et Lara. Ses deux là étaient nés à dix mois d'intervalles, ce qui était très peu. Toutes pareilles, et toutes différentes à leur façon.
Eris était toujours immobile, à songer. Elle pensait à la vie en général, à la magie et aux possibilités qu'elle offrait. Elle réfléchissait tout en décryptant les messages que semblait vouloir lui adresser le ciel. Quelques nuages prenaient une forme concrète. Cela amusait Eris, même si son visage impassible n'en laissait rien voir.
Les élèves passaient à côté d'elles, la regardaient parfois et finissaient par poursuivre leur chemin, un demi-millier de questions dans la tête. Eris ne leur accordait pas un regard, ne tendait même pas l'oreille pour écouter des bribes de conversations. Elle n'entendait que les oiseaux qui chantaient, l'eau qui clapotait sur les rives du lac. Rien d'autres. Elle n'entendit même pas les pas de sa sœur, qui s'approcha doucement et s'allongea à côté de la jeune Woodman.
Eris tourna la tête et lança un sourire vague à Lara. Sa sœur le lui rendit. C'était devenu une sorte de code, qu'elles seules comprenaient. Certains curieux avaient tentés de les comprendre, de les observer attentivement afin de percer leur secret. C'était peine perdue.

ERIS - As-tu remarqué la forme de ce petit nuage ? Il ressemble à un petit voilier, qui voguerait sur l'océan bleu qu'est le ciel. On dirait même qu'il fait route vers le soleil. Tu ne trouves pas ?

Sa voix était cristalline. Elle faisait penser à la douce caresse du vent sur les feuilles vertes des arbres. Et tout en parlant, elle montrait du doigt un petit nuage, haut dans le ciel.

LARA - Oui. Et celui-là ? On dirait un cœur.

Eris acquiesça doucement. Puis, elle se tut, trouvant que le moment était parfait pour cesser de parler. Discuter, c'était troubler le silence de la nature, le silence qui permettait si facilement d'accéder à ces mondes, à ces rêves qu'Eris aimait tant.



Retour en arrière. L'été de ses onze ans.

La petite maison Woodman était plongée dans un silence presque religieux. Il était tôt et toute la famille était encore dans les bras de Morphée. Huit heures et Eris ouvrit les yeux. Elle était toujours la première à se lever parmi ses sœurs, malgré que ce soit elle qui appréciait le plus le monde des doux rêves. La petite fille rejeta sa couverture et se leva doucement. Ses sœurs Lara et Lali, avec qui elle partageait son immense chambre dormaient encore. Eris les contempla encore quelques instants, attendrie devant leur visage paisible. Quelques minutes passèrent sans qu'elle n'esquisse un geste et finalement, elle s'avança vers Lara - qui était la plus proche - et déposa un baiser amical sur sa joue. Elle répéta l'opération pour Lali, tandis que Lara s'éveillait avec un bâillement peu discret.

ERIS - Bonjour.

Elle n'attendit pas la réponse et partit vers le couloir, où elle se trouva nez à nez avec Lux et Alice, qui avaient sûrement l'intention de venir réveiller leurs jeunes sœurs. Eris les étreignit chacune et quand toutes les cinq furent dans le couloir, elles descendirent comme des automates les escaliers. En bas, dans la cuisine, Mrs Woodman préparait le petit déjeuner tandis que son mari était assis à la grande table, la Gazette du Sorcier en mains. Les cinq sœurs, en parfaite harmonie saluèrent leurs parents, qui avaient bien du mal à s'habituer à ce parfait ensemble de jeunes filles.

MRS WOODMAN - Lara, Eris. Ce matin, nous avons reçu vos lettres de Poudlard, avec la Gazette du Sorcier.

Elle sourit. Eris, elle, contint son excitation avec peine, des étoiles dans les yeux. Enfin elle allait aller à Poudlard ! Depuis que Lux et Alice étaient devenus élève du collège pour sorciers, Eris n'avait cessé d'attendre ce jour. Ici, chez elle, avec les cours à domicile que lui procurait sa mère, Eris s'était vite ennuyée de ses aînées. Sans les deux jumelles, la vie était bien monotone, bien ennuyeuse. Le seul bémol en ce jour était que Lali ne les rejoindrait jamais à Poudlard, car c'était sur. La petite dernière était une cracmole, mais ne s'en formalisait pas. Ses pouvoirs n'étaient pas apparus comme ceux de ses sœurs, et Eris avait été bien triste en pensant aux sept années où elle serait séparée de Lali. Heureusement, Lara allait recevoir une chouette, qui permettrait aux quatre aînées de prendre des nouvelles régulièrement de leur petite sœur, ce qui était la moindre des choses.
Eris prit la lettre entre ses mains, la contempla longuement et enfin, dans un geste lent et précis, elle ouvrit l'enveloppe et déplia le parchemin jauni.

« Chère Miss Woodman,

Nous avons le plaisir de vous informer que vous bénéficiez d'ores et déjà d'une inscription au collège Poudlard. Vous trouverez ci-joint la liste des ouvrages et équipements nécessaires au bon déroulement de votre scolarité.
La rentrée étant fixée au 1er septembre, nous attendons votre hibou le 31 juillet au plus tard.
Veuillez croire, cher Miss Woodman, en l'expression de nos sentiments distingués. »

Eris replia la lettre, la posa sur la table et regarda sa sœur. Elle aussi contenait mal son excitation, mais elle se tenait. Eris lui sourit, Lara lui rendit son sourire. Aujourd'hui, les Woodman fêteraient l'entrée à Poudlard de Lara et Eris.

Début octobre, cette année.

Eris courrait. Personne ne la poursuivait, elle ne participait pas à un marathon et n'était pas en retard à un cours. Elle courrait pour le simple plaisir de courir. Cette sensation de liberté, le vent frais qui vous fouette le visage ou parfois, qui vous pousse en avant. Eris avait besoin de ces sensations, elle les appréciait à leur juste valeur. Le simple fait de faire du sport, pour entretenir son corps, pour se défouler et laisser sa conscience s'échappait. Elle aimait. Eris était la plus sportive des Woodman, sans aucun doutes. Elle pouvait facilement canaliser son énergie, mais il lui fallait tout relâcher à un moment. Alors, pour ne pas se laisser aller aux fils de ses émotions, elle pratiquait du sport. Le plus souvent possible. Le quidditch, courir dans le parc ou nager dans le lac.
Et Eris courrait. Ses joues avaient rougis sous l'effort. Et elle continuait de courir, avec tout l'enthousiasme dont elle était capable. Jamais ses sœurs ne l'avaient suivi dans une de ses courses effrénées. Elles ne tenaient pas.
Après avoir fait deux tours du parc, Eris se mit à marcher. Après quelques pas, elle se laissa tomber par terre, le temps de reprendre son souffle. Après que le rythme endiablé de son coeur se soit calmé, Eris sortit sa baguette de sa poche et récita : « Aguamenti ». Un jet d'eau sortit du bout de la baguette, au dessus de la tête de la jeune fille. Eris leva la tête, juste à temps pour recevoir l'eau en pleine figure, ce qui lui fit le plus grand bien. Sur ceux, elle se releva lentement et partit en direction du château.